Mickaël Jury, maître de Conférence en Sciences de l’éducation à l’Université de Clermont-Auvergne, s’exprime sur l’école inclusive.
On parle beaucoup d’école inclusive à l’occasion de l’anniversaire de la loi du 11 février… Mais qu’est-ce qu’une école inclusive ?
L’école inclusive, c’est l’école !
Elle n’est pas distincte de l’École ordinaire. Elle vise à offrir à tous les élèves, quels que soient leurs besoins particuliers, les mêmes opportunités d’apprentissage, confortée dans ce rôle par l’article premier du Code de l’éducation qui dit que le système éducatif doit veiller à la scolarisation inclusive de tous les enfants, sans aucune distinction.
Bien que cette approche se soit développée autour de la scolarisation des élèves en situation de handicap, elle concerne aujourd’hui l’ensemble des élèves. Mais cela est toutefois mal appréhendé par une partie significative de la communauté éducative tout comme par certains de nos responsables politiques (qui continuent de circonscrire cette politique aux seuls élèves en situation de handicap).
Ce n’est pas sans conséquence : nos travaux montrent que moins les enseignants ont une compréhension fine de cette politique éducative, moins ils la soutiennent. Il y a donc un enjeu fort à expliciter ce concept.

« Pour mettre en place une vraie école inclusive, il faut révolutionner notre système éducatif. »
Les enseignants mettent souvent en avant la question des moyens…
Cette question est effectivement centrale dans l’acceptation de cette politique. Bien que des efforts aient été faits, les ressources actuelles sont insuffisantes, ce qu’a souligné la Cour des comptes. Pour mettre en place une vraie école inclusive, il faut révolutionner notre système éducatif. Cela passe par des investissements importants.
Toutefois, il faut réfléchir à ce qu’on entend par moyens. On parle souvent de recrutement d’AESH ou, comme dans l’enquête réalisée par le SNUipp, de création de places en établissements spécialisés. Mais ce n’est pas en cohérence avec l’école inclusive car ce sont des réponses de compensation individuelles, et qui visent à confier à d’autres la responsabilité d’organiser l’accessibilité du parcours de l’élève. On pourrait par exemple imaginer que les AESH soient placés auprès des enseignants pour les soutenir, plutôt qu’auprès d’un élève, avec la part de stigmatisation que cela provoque.
Enfin il faut savoir que même en Italie – présentée comme un modèle- les enseignants demandent toujours davantage de moyens… Peut-être une façon de ne pas s’interroger sur le fonctionnement même de l’école.
La France est critiquée par l’ONU pour maintenir un système de ségrégation avec les établissements spécialisés. Faut-il les supprimer, les transformer ?
Les critiques de l’ONU sont dures pour ces structures et pour ceux qui y exercent ! Sans provoquer de big bang, les évolutions en cours qui visent à les transformer pour soutenir la scolarisation inclusive vont dans le bon sens. L’école a besoin de ces compétences, dans une logique de coopération comme l’a souligné S. Thomazet. Mais pour cela, il faut de la coordination, il faut reconnaître les compétences de chacun et se créer une culture commune. C’est ce qui se fait avec les formations croisées, mais il faut une véritable volonté politique nationale pour construire une école qui offre à tous et à toutes les mêmes opportunités d’apprendre.